Cet article a été complété par une publication analysant les précisions apportées par l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 : Contrats publics : nouvelles précisions pour l’état d’urgence sanitaire
Je recherche un avocat expert en
à
Cet article a été complété par une publication analysant les précisions apportées par l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 : Contrats publics : nouvelles précisions pour l’état d’urgence sanitaire
Répondant à une forte préoccupation des acheteurs publics et des opérateurs économiques, l’article 11.I.f.1° de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à adopter par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi pour adapter les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, et notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
C’est dans ce contexte qu’est parue ce jour au Journal Officiel l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19.
Cette ordonnance répond à un double objectif :
L’article 1er de l’ordonnance précise que ses dispositions ne sont mises en œuvre « que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. »
Si les conséquences de cette situation de crise ont un impact évident dans certaines situations (arrêt des chantiers, annulation d’évènement, etc.), il relève ainsi de l’appréciation des acheteurs d’apprécier si les dispositions prévues par cette ordonnance ont vocation à recevoir, au cas par cas, une application.
L’ensemble des contrats de la commande publique n’a ainsi pas vocation à être impacté par la situation d’état d’urgence sanitaire.
L’ordonnance du 25 mars 2020 s’applique « aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas ».
Cette ordonnance s’applique ainsi aux marchés publics et aux contrats de concession, mais également aux contrats publics ne relevant pas du Code de la commande publique : conventions de subventions, conventions d’occupation domaniale, etc.
L’ordonnance du 25 mars 2020 entre en vigueur ce jour.
Elle s’applique aux contrats en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire – fixée le 24 mai 2020 par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 – augmentée d'une durée de deux mois.
Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance, et exceptées les situations où une situation d’urgence le justifie, il appartient aux acheteurs de prolonger les délais de réception des candidatures et des offres d’une durée « suffisante ».
Les rédacteurs de l’ordonnance n’ont pas imposé de délais minimums aux acheteurs, leur laissant ainsi le soin de déterminer au cas par cas, et selon les différentes procédures de passation, le délai supplémentaire devant être laissé aux opérateurs.
Si les délais ne sont pas imposés, le principe de la prolongation semble bien impératif pour les acheteurs, sauf à justifier, et la preuve incombera alors aux acheteurs, que les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard.
Il s’agit de toute façon d’une mesure de bon sens, ayant d’ores et déjà été mise en œuvre par la plupart des acheteurs.
De manière plus intéressante, l’article 3 de l’ordonnance permet aux acheteurs d’aménager les modalités de la mise en concurrence telles que prévues par le Code de la commande publique ou dans le règlement de la consultation lorsque celles-ci ne peuvent être respectées.
Ces aménagements devront naturellement être mis en œuvre dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.
Une telle disposition permet ainsi aux acheteurs de mettre en œuvre ou de poursuivre des procédures de publicité et de mise en concurrence dans lesquelles sont prévues des formalités rendues impossibles par l’état d’urgence sanitaire.
Pourront ainsi être concernées les procédures dans lesquelles étaient prévues des visites sur site obligatoire, des auditions devant un jury ou des négociations ou un dialogue devant des commissions ad hoc, les modalités de réunion des commissions d’appel d’offres, etc.
L’acheteur peut désormais, en fonction des contraintes liées l’état d’urgence sanitaire, aménager ces obligations, en organisant par exemple des auditions par audio ou visio-conférence.
Là encore le pouvoir d’appréciation laissé aux acheteurs est large, la seule limite posée étant le respect du principe d’égalité de traitement des candidats.
Par précaution, il leur appartiendra de justifier que les conditions initiales de mise en concurrence ne peuvent être respectées et que leurs modifications sont limitées au strict nécessaire.
L’ordonnance du 25 mars 2020 facilite le recours aux avenants aux contrats de la commande publique, afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement durant l’état d’urgence sanitaire.
Ainsi, lorsqu’un contrat public arrive à terme pendant la période d’état d’urgence sanitaire et qu’une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence ne peut être organisée durant cette période, les parties à ce contrat peuvent en prolonger sa durée par avenant.
Cette prolongation devra être limitée à la durée nécessaire à l’organisation d’une nouvelle procédure de mise en concurrence à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire.
En tout rigueur, il appartiendra toutefois à l’acheteur de démontrer que la conclusion d’un tel avenant est rendue indispensable, une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence ne pouvant être organisée malgré les aménagements pouvant être apportés aux procédures de publicité et de mise en concurrence prévus à l’article 3 de l’ordonnance.
L’ordonnance précise qu’un tel avenant peut notamment permettre de déroger à la limitation à quatre années de la durée des accords-cadres.
Afin de répondre aux besoins de trésorerie des entreprises, l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 permet également de modifier par avenant les conditions de versement des avances, pour en porter le taux à un montant supérieur à 60 % du montant du marché.
Dans cette hypothèse, l’acheteur ne sera pas tenu d’exiger du titulaire la constitution d'une garantie à première demande.
L’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit plusieurs dispositifs permettant de tenir compte des difficultés d’exécution affectant les contrats de la commande publique.
Ces dispositions s’appliquent nonobstant toute stipulation contraire. Elles viennent ainsi déroger aux stipulations prévues par les parties, notamment dans leur Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et dans les différents cahiers des clauses administratives générales (CCAG).
1. Une prolongation des délais d’exécution… Sur demande du titulaire
Lorsque que le titulaire d’un contrat public est tenu par un délai d’exécution qu’il ne peut respecter sans supporter des charges manifestement excessives, ce délai est reporté jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, augmenté d'une durée de deux mois.
Afin d’éviter des effets d’aubaine de la part de certains opérateurs, il appartient toutefois au titulaire de demander le bénéfice d’une telle disposition avant l’expiration du délai contractuel qu’il était tenu de respecter.
Faute pour celui-ci de respecter un tel formalisme, le bénéfice d’une telle disposition pourra lui être refusé par l’acheteur public.
2. Eviter des sanctions du titulaire et les ruptures d’approvisionnement de l’acheteur
Lorsque le titulaire d’un contrat public ne peut exécuter tout ou partie d’un contrat ou d’un bon de commande, il ne peut être sanctionné par l’acheteur, par l’application de pénalités contractuelles ou par l’engagement de sa responsabilité contractuelle.
Là encore, il appartient à l’opérateur économique de démontrer que les circonstances font obstacle à ce qu’il puisse exécuter ses obligations, notamment en démontrant qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive
Afin que l’acheteur puisse continuer à bénéficier des prestations nécessaires à ses activités, l’article 6.2°.b de l’ordonnance du 25 mars 2020 lui permet de conclure un marché de substitution auprès d’un autre opérateur, y compris si le marché initial réserve une exclusivité au bénéfice de son titulaire.
Ce marché de substitution ne peut naturellement pas être conclu aux frais et risques du titulaire initial du marché. Parallèlement, le titulaire du marché initial ne pourra prétendre à la rémunération des prestations réalisées par un tiers.
3. L’état d’urgence sanitaire, un « fait du prince » source de responsabilité de l’administration
Si l’état d’urgence sanitaire conduit l’administration à résilier un marché ou à annuler un bon de commande, l’ordonnance prévoit expressément que le titulaire peut être indemnisé des dépenses qu’il a engagées spécifiquement pour l’exécution de contrat.
Il appartiendra là encore au titulaire de justifier de l’étendue de son préjudice et d’en demander l’indemnisation à l’administration cocontractante.
4. La suspension des marchés à forfait
La crise sanitaire actuelle a conduit nombre de maîtres d’ouvrages à suspendre l’exécution de marchés, tout particulièrement en matière de travaux publics.
L’ordonnance 6.4° de l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit que lorsque l’acheteur suspend l’exécution d’un marché à prix forfaitaire, il doit procéder au règlement des prestations déjà exécutées.
La conclusion d’un avenant sera ensuite rendue nécessaire pour tenir compte des modifications intervenues, et décider des suites à donner à son exécution : reprise du marché, résiliation, indemnisation éventuelle du titulaire, restitution des sommes versées par l’acheteur à titre d’avance, etc.
5. La suspension et la modification des contrats de concession
Dans la situation où un contrat de concession doit être suspendu par l’acheteur, l’article 6.5° de l’ordonnance du 25 mars 2020 prescrit également la suspension de toute somme devant être versée par le concessionnaire au concédant.
Tel pourra par exemple être le cas des redevances domaniales devant être versées par le concessionnaire à l’autorité concédante.
En cas d’important besoin de trésorerie pour le concessionnaire, est également prévue la possibilité pour l’autorité concédante de lui verser une avance sur les sommes qui lui sont dues.
Un tel dispositif a ainsi vocation à s’appliquer aux concessions dans lesquelles est prévue le versement de subventions au profit du titulaire.
Dans l’hypothèse où le contrat de concession n’est pas suspendu mais que ses conditions d’exécution sont significativement modifiées, le concessionnaire peut prétendre au versement d’une indemnité destinée à compenser les surcoûts mis à sa charge, lorsque la poursuite de l’exécution de la concession nécessite de mettre en œuvre des moyens non prévus au contrat initial et qui représentent une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire.
Il appartiendra également dans cette hypothèse au titulaire de justifier de l’étendue de son préjudice dans une telle situation.
Auteurs : Clément Gourdain, Marine Guillou et Pierre Jakob (Droit public & de l'environnement)