Marchés publics : les acheteurs invités à recourir aux procédures dérogatoires

Publié le 02 avril 2020

Marchés publics et crise sanitaire – La Commission européenne vient d'inviter les acheteurs à recourir aux procédures de passation dérogatoires. Explications. 

Dans le contexte de la crise sanitaire, une communication intitulée « Orientations de la Commission européenne sur l’utilisation des marchés publics dans la situation d’urgence liée à la crise du Covid-19 » (2020/C 108 I/01), a été publiée le 1er avril 2020 au JO de l’Union européenne.

Par cette communication, la Commission européenne entend préciser « quelles options et marges de manœuvre permet le cadre de l’Union européenne régissant les marchés publics en vue de l’achat des fournitures, des services et des travaux nécessaires pour faire face à la crise ».

Il s’agit ainsi d’indiquer à l’ensemble des acheteurs européens soumis aux règles de la commande publique les procédures pouvant être mises en œuvre pour assurer un approvisionnement en biens et services de première nécessité.

Peuvent également être concernés par la mise en œuvre de procédures dérogatoires les marchés liés à l’acquisition « d’infrastructures supplémentaires » à savoir par exemple des ouvrages utiles aux services de santé ou à la production d’équipements médicaux.

De telles préconisations n’ont vocation à s’appliquer qu’aux marchés publics dont la valeur estimée dépasse les seuils européens. En deçà de ces seuils, les règles nationales ont vocation à s’appliquer. S’agissant de la France, l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 offre déjà aux acheteurs la possibilité de déroger aux règles de droit commun fixées par le Code de la commande publique.

La Commission européenne envisage ainsi plusieurs moyens permettant aux acheteurs publics de répondre à de tels besoins en cette situation de crise sanitaire.

La réduction des délais de procédure pour répondre à la situation d’urgence

En premier lieu, après un rappel des délais minimaux imposés en matière de procédures ouvertes et restreintes par la directive 2014/24/UE, la Commission européenne rappelle que ces délais peuvent être réduits en cas d’urgence dûment justifiée par le pouvoir adjudicateur.

Ainsi, 

  • En procédure ouverte, le délai peut passer de 35 jours à 15 jours,
  • En procédure restreinte, le délai de remise des candidatures peut passer de 30 jours à 15 jours et celui de remise des offres peut passer de 30 jours à 10 jours.

La Commission européenne prend le soin de préciser dans sa communication que le recours à une procédure accélérée est conforme aux principes généraux de la commande publique même en cas d’urgence.

Ces délais d’urgence sont d’ores et déjà transposés en droit interne dans le Code de la commande publique pour l’ensemble des procédures formalisées, exception faite du dialogue compétitif (art. R. 2161-2 et s., R. 2161-6 et s., R. 2161-12 et s. du Code de la commande publique).

Il appartiendra toutefois à l’acheteur public faisant application de ces délais réduits de pouvoir justifier de l’existence de l’urgence dont il se prévaut et surtout, de la nécessité de passer le marché en cause durant cette période d’état d’urgence sanitaire.

La « procédure négociée sans publication » en cas d’urgence impérieuse

La Commission mentionne la possibilité de mettre en œuvre une procédure négociée sans publication d’un avis de marché afin de « répondre aux besoins liés à la pandémie de COVID-19 ».

Le recours à une telle procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalable en cas d’urgence impérieuse a été transposée à l’article R. 2122-1 du Code de la commande publique.

Cette procédure, dont le déroulement n’est pas encadré par la réglementation européenne, permet en pratique aux acheteurs publics de négocier avec un opérateur et de lui attribuer directement un marché public.

Le recours à cette procédure doit être exceptionnel, et n’est possible que si plusieurs conditions cumulatives, dont l’interprétation est restrictive, sont réunies, à savoir :

  • Un évènement imprévisible pour le pouvoir adjudicateur concerné,
  • Une urgence impérieuse rendant impossible le respect des délais généraux,
  • Un lien de causalité entre l’évènement imprévisible et l’urgence impérieuse,
  • Une utilisation uniquement dans l’attente de solutions plus stables.

La Commission européenne rappelle que l’acheteur public faisant usage de cette procédure doit évaluer si ces conditions sont remplies et justifier du choix de cette procédure dans le rapport individuel d’attribution du marché public, rédigé à l’issue de sa passation.

Selon la communication de la Commission européenne, répondre aux besoins à court terme des hôpitaux et établissements de santé liés au traitement des patients atteints du COVID-19 remplit a priori toutes ces conditions.

Il appartient néanmoins aux acheteurs de procéder à une analyse au cas par cas des marché éligibles à cette procédure dérogatoire et de réserver son usage aux seuls marchés devant impérativement être passés pendant cette période de crise sanitaire, afin de répondre aux besoins qu’elle suscite.

La recherche de solutions de substitution et la collaboration avec le marché

Compte tenu de la rupture de la chaîne d’approvisionnement consécutive à la situation de crise sanitaire, la Commission européenne invite les acheteurs à rechercher des solutions de substitution et de collaboration avec les opérateurs économiques.

La Commission invite ainsi les acheteurs à prendre contact directement avec les entreprises ayant développé ou développant des solutions alternatives pour vérifier si ces dernières sont susceptibles de répondre à leurs besoins.

La Commission européenne encourage alors les acheteurs publics « à jouer un rôle actif sur les marchés et à participer à des actions de mise en relation » en vue de « stimuler l’offre », par exemple en organisant des « hackathons ».

Il est également suggéré aux acheteurs publics de recourir à des outils numériques innovants pour susciter l’intérêt d’acteurs économiques capables de proposer des solutions de remplacement, ou de collaborer à des « écosystèmes de l’innovation » ou à des réseaux d’entrepreneurs.

Par Marine Guillou et Clément Gourdain

Recherche rapide

Recevez notre newsletter

Votre adresse email est uniquement utilisée aux fins de l’envoi des lettres d’information de Cornet Vincent Ségurel, dans le domaine d’intérêt sélectionné, ainsi que des offres promotionnelles du Cabinet. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré à la newsletter.

Pour plus d’informations sur la gestion de vos Données personnelles, veuillez consulter notre politique de confidentialité

Icon

Haut de page