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Non-respect des délais de paiement, non-respect de la date butoir pour la signature des conventions écrites entre fournisseurs et distributeurs, non-respect de la réglementation en matière de démarchage téléphonique, absence de mentions obligatoires dans des CGV BtoC… autant de manquements qui étaient par le passé sanctionnés pénalement et qui sont aujourd’hui sanctionnés par des amendes administratives… Parfois au détriment des chefs d’entreprise.
Depuis la loi n° 92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du code pénal, il est possible, en droit français, d’engager la responsabilité pénale des personnes morales.
D’abord limitée à des situations expressément visées par le code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales a été généralisée en 2004 à toutes les infractions commises par leurs organes ou leurs représentants et ce, même en l’absence de disposition expresse prévoyant cette possibilité.
L’article 131-38 du code pénal pose ainsi le principe selon lequel « le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction ».
La possibilité de poursuivre pénalement la personne morale n’empêche pas, bien entendu, de poursuivre également le dirigeant à titre personnel pour les mêmes faits.
Néanmoins, l’un des objectifs poursuivis par cette généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales était de « limiter la mise en cause de la responsabilité des personnes physiques lorsque la responsabilité d’une infraction est diluée et qu’il serait inéquitable de faire peser la responsabilité sur telle ou telle personne » (amendement n° 275 présenté par Monsieur le Sénateur Fauchon le 30 septembre 2003).
C’est la raison pour laquelle la jurisprudence se veut plus exigeante lorsqu’il s’agit d’engager la responsabilité pénale d’un chef d’entreprise que lorsqu’il s’agit d’engager celle de la personne morale.
À cet égard, la circulaire relative à l’entrée en vigueur au 31 décembre 2005 des dispositions de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 généralisant la responsabilité pénale des personnes morales est venue rappeler les principes en matière de cumul de responsabilité de la personne morale et de son ou ses dirigeants :
« En cas d’infraction intentionnelle, la règle devra en principe consister dans l’engagement de poursuites à la fois contre la personne physique auteur ou complice des faits, et contre la personne morale, dès lors que les faits ont été commis pour son compte par un de ses organes ou représentants.
En revanche, en cas d’infraction non intentionnelle, mais également en cas d’infractions de nature technique pour laquelle l’intention coupable peut résulter, conformément à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation de la simple inobservation, en connaissance de cause, d’une réglementation particulière, les poursuites contre la seule personne morale devront être privilégiées, et la mise en cause de la personne physique ne devra intervenir que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier une condamnation pénale ».
Autrement dit, en cas de simple inobservation d’une réglementation particulière, la responsabilité pénale du dirigeant ne peut être engagée que si une faute personnelle, distincte de celle de la personne morale qu’il représente, peut être démontrée. À défaut, seule la personne morale peut en principe être poursuivie.
En matière administrative, les choses sont très différentes. En effet, les sanctions sont prononcées par l’administration (la DGCCRF en l’occurrence) et non par un juge. Ce n’est qu’une fois que la décision de sanction a été prononcée – et que l’amende administrative a été payée par le justiciable (personne physique ou personne morale) – que ce dernier peut avoir accès au juge en contestant la décision de sanction devant le tribunal administratif compétent.
Comme il n’existe pas, en droit administratif, d’équivalent de l’article 131-38 susvisé du code pénal, chacun des articles du code de commerce ou du code de la consommation prévoyant la possibilité de prononcer une amende administrative fixe un montant de sanction pour les personnes physiques et un montant – le plus souvent cinq fois supérieur – pour les personnes morales.
De ce simple fait, l’administration semble considérer qu’elle peut choisir de poursuivre soit l’entreprise personne morale, soit son dirigeant personne physique (ou son délégataire) et ce, sans avoir à démontrer, dans ce dernier cas, ni l’existence d’une faute intentionnelle ni une quelconque faute personnelle de la part du chef d’entreprise ou de son délégataire.
Plusieurs tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ont d’ores et déjà validé cette approche en retenant que les dispositions du code de la consommation ou du code de commerce prévoyant la possibilité de prononcer des sanctions administratives « laissent à l’autorité administrative le choix d’infliger la sanction soit à la personne morale au nom et pour le compte de laquelle a agi l’auteur du manquement, soit à la personne physique, qu’il s’agisse du gérant de la personne morale ou même l’un de ses préposés, qui a effectivement commis ce manquement dès lors que cette personne physique a la qualité de professionnel au sens des dispositions précitées, qu’elle a agi dans le cadre de ses fonctions au sein de la personne morale et qu’elle n’a pas fait valoir, notamment au cours de la procédure contradictoire préalable, de circonstances particulières de nature à l’exonérer de sa responsabilité ».
Autrement dit, lorsque l’administration décide, sans avoir à en justifier, de poursuivre la personne physique plutôt que la personne morale (notamment lorsque cette dernière est placée en procédure collective), le seul moyen, pour ladite personne physique, d’échapper au paiement d’une amende de ses propres deniers est de fournir une délégation de pouvoir ou d’être en mesure de démontrer qu’elle n’exerçait pas ses fonctions pendant la période objet du contrôle (en raison d’un arrêt maladie par exemple).
Pourtant, la volonté affichée du gouvernement, lorsque les premières sanctions administratives ont fait leur apparition dans le code de la consommation, était bien de « [caler] le régime juridique de ces sanctions sur celui des sanctions correspondantes en droit pénal » et ce, afin de garantir, pour les entreprises susceptibles d’être poursuivies comme pour leurs dirigeants, « le nécessaire respect des principes du droit pénal » (avis du Sénat sur le projet de loi relatif à la consommation, rapport n° 792, présenté à la Présidence du Sénat le 23 juillet 2013).
Il y a donc là un décalage manifeste entre l’intention du législateur – soucieux d’offrir aux justiciables les mêmes garanties en matière administrative qu’en matière pénale – et l’application concrète qui est faite, tant par l’administration que par le juge administratif, des textes prévoyant le prononcé d’amendes administratives.
Ce décalage représente une source d’insécurité pour les chefs d’entreprise qui peuvent à tout moment se voir condamnés à payer, à titre personnel, des amendes administratives dont le montant peut atteindre parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros et ce, dans un contexte d’inflation normative qui les expose toujours plus.
Il serait donc utile de revenir à une lecture des textes plus en adéquation avec la volonté du législateur afin que la responsabilité du chef d’entreprise ne puisse être engagée qu’en cas de faute personnelle, y compris en cas de prononcé d’amendes administratives.