Pratiques commerciales interdites dans l'agroalimentaire

Publié le 19 décembre 2019

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Concurrence - Distribution - Contrats
Droit rural

Alors que l’Ordonnance du 25 avril 2019 réduisait la liste des pratiques restrictives de concurrence, la Directive européenne n° 2019/633 du 17 avril 2019 établissait une liste de quinze « pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire ».

Champ d’application

La Directive (article 1) couvre la vente de produits agricoles et alimentaires par des fournisseurs dont le chiffre d'affaires annuel :

  • ne dépasse pas 2.000.000 €, à des acheteurs dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 2.000.000 € ;
  • se situe entre 2.000.000 et 10.000.000 €, à des acheteurs dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 10.000.000 € ;
  • se situe entre 10.000.000 et 50.000.000 €, à des acheteurs dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 50.000.000 € ;
  • se situe entre 50.000.000 et 150.000.000 €, à des acheteurs dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 150.000.000 € ;
  • se situe entre 150.000.000 et 350.000.000 €, à des acheteurs dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 350.000.000 €.

Sont potentiellement concernés tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire, de l’agriculteur au distributeur, en passant par les industriels transformateurs.

Conformément à l’article 2, 1), les produits concernés sont ceux énumérés à l'annexe I du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que les produits transformés en vue d'être utilisés dans l'alimentation humaine en recourant à des produits énumérés dans ladite annexe.

Pratiques déloyales

De la même manière que pour les clauses abusives du droit de la consommation, la Directive établit une première liste de pratiques irréfragablement déloyales et donc interdites en toute hypothèse (1) et une seconde liste de pratiques interdites, sauf accord des parties « en des termes clairs et dépourvus d’ambiguïté » (2).

S’agissant d’un texte d’harmonisation minimal, les Etats membres pourront conserver des dispositions plus strictes.

Bien que déjà très avancé en la matière, le droit français devra être modifié.

 

Pratiques interdites (Article 3,1°)

1/ Pratiques liées au paiement : 

  • Dépassement des délais de paiement :

    • Les articles L. 441-10 et -11 du Code de commerce, relatifs aux délais de paiement, devront être légèrement amendés.

    • Le délai reste de 30 jours pour les produits périssables et de 60 jours pour les produits non périssables, seul le point de départ sera appréhendé de façon différente, selon que l’accord prévoit ou non une livraison des produits de manière régulière.

    • Une liste des produits alimentaires périssables a été établie par la DGCCRF, mais tous les produits listés ne semblent pas répondre à la définition donnée par l’article 2 de la Directive (lait UHT par exemple).

  • Interdiction pour l'acheteur de demander au fournisseur un paiement : 

    • Qui n’est pas en lien avec la vente de produits agricoles et alimentaires ;
    • Pour la détérioration ou la perte de produits détenus dans les locaux de l’acheteur ou après le transfert de propriété à l’acheteur ;
    • Pour compenser des frais d’examen des plaintes de clients liées aux produits du fournisseur malgré l'absence de négligence ou de faute de la part du fournisseur.

 

2/ Pratiques relatives aux conditions de l'accord de fourniture

  • Modification unilatérale des conditions de l’accord de fourniture (par exemple sur la fréquence, la méthode, le lieu, le calendrier ou le volume des approvisionnements ou des livraisons)
  • Annulation de commandes par l’acheteur à brève échéance

Selon la directive, un délai de 30 jours est toujours considéré comme une brève échéance. Les Etats pourront prévoir des délais inférieurs pour des secteurs spécifiques.

  • Refus de l’acheteur d’accéder à la demande du fournisseur de confirmer par écrit les conditions de l’accord de fourniture
  • Menace par l’acheteur de représailles commerciales ou de procéder à de telles représailles si le fournisseur exerce ses droits contractuels ou légaux

Par représailles, la Directive vise, par exemple, le déréférencement de produits, la réduction des quantités de produits commandés ou l’interruption de certains services, tels que les promotions sur les produits du fournisseur.

 

3/Atteinte au secret des affaires

Est strictement interdit le fait pour l’acheteur d’obtenir, d’utiliser ou de divulguer de façon illicite des secrets d’affaires du fournisseur.

Depuis la Loi du 30 juillet 2018, les articles L. 151-4 et suivants du Code de commerce interdisent déjà l’obtention, l’utilisation et la divulgation sans autorisation du secret. La transposition de la directive permettra de sanctionner de tels agissements par une amende, alors qu’actuellement seules des actions en prévention, en cessation ou en réparation d’une atteinte sont possibles.

 

Pratiques présumées déloyales (articles 3,2°)

La Directive considère comme déloyales les pratiques suivantes, à moins que les parties en soient convenues en termes clairs et dépourvus d’ambiguïté :

  • La faculté pour l’acheteur de renvoyer des invendus au fournisseur sans payer pour ces invendus ou sans payer pour l’élimination de ces produits ;
  • L’obligation pour le fournisseur de rémunérer le stockage, le référencement ou la commercialisation de ses produits, ou la publicité faite par l’acheteur ou encore le personnel chargé d’aménager les locaux de l’acheteur pour la vente de ses produits ;
  • L’obligation pour le fournisseur de prendre en charge tout ou partie des coûts liés aux réductions de prix proposées dans le cadre d’actions promotionnelles.

Le droit français contient des dispositions plus strictes qui pourront être conservées.

Mise en oeuvre

Application dans le temps

La Directive doit être transposée par les Etats membres au plus tard le 1er mai 2021 pour une entrée en vigueur au plus tard le 1er novembre 2021.

Les contrats conclus avant l’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant la Directive devront être mis en conformité dans les douze mois suivant la publication de ces dispositions.

Loi de police

Les dispositions issues de la Directive s’appliqueront impérativement quelle que soit la loi du contrat (article 3, 4°).

Désignation d'une autorité d'application

L’autorité chargée de veiller au respect des interdictions devrait être la DGCCRF, dès lors qu’elle est déjà dotée des pouvoirs prévus par la Directive (article 6).

Le fournisseur pourra adresser une plainte à l’autorité de l’Etat membre dans lequel il est établi ou à celle de l’Etat membre dans lequel l’acheteur est établi (article 5).

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