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Depuis l’avènement des plateformes en ligne permettant aux particuliers de louer leur logement à des fins touristiques, avec Airbnb en tête de file, une guerre générale a débuté impliquant différentes parties.
Des conflits ont ainsi éclaté entre bailleurs et locataires (voir Cass., 3e ch., 12 septembre 2019, n° 18-20.727), entre syndicats et copropriétaires (voir CA, Grenoble, 2e ch., 23 mai 2023, n° 21-03.445) et également entre les propriétaires et les communes, comme en témoigne ce récent arrêt du 11 janvier 2024 rendu par la Cour de cassation (n°22-21.126).
Il était, en l’occurrence, question de déterminer si un local était à usage d’habitation en 1970 auquel cas une série de contraintes spécifiques aurait dû être respectée. A titre d’exemple, il est impératif d’obtenir l’autorisation de la Mairie et de disposer d’un numéro d’enregistrement ou d’immatriculation avant de mettre son bien en location En l’absence de ces prérequis, le contrevenant s’expose à une amende civile pouvant atteindre 50.000 euros par logement transformé irrégulièrement (conformément à l’article L.651-2 du Code de la construction et de l’habitation, ci-après « CCH »).
C’est dans ce cadre que la Ville de Paris s’était engagée dans une bataille judiciaire contre une SCI et son locataire les accusant d’avoir changé l’usage d’un local à usage d’habitation en le louant à une clientèle de passage au mépris de l’article L.631-7 du CCH qui, pour rappel, dispose qu’« un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve », ce qui aurait justifié l’application d’une amende (article L.651-2 du CCH).
A cet effet, la Ville de Paris avait invoqué la déclaration modèle R (modèle utilisé par les redevables de contribution foncière et décrivant la situation d’un immeuble) datée du 9 octobre 1970, affirmant que les locaux en question étaient des pièces de service. Toutefois, la Cour d’appel a jugé que cette déclaration n’était pas suffisante pour établir l’usage d’habitation du bien à la date de référence.
La Cour de cassation confirme cette décision en rappelant que la preuve de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 doit être établie par tout moyen, mais que les déclarations postérieures à cette date ne sont pas recevables pour prouver cet usage.
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une série de batailles juridiques antérieures, notamment celle du 7 septembre 2023 (Cass. 3e ch ., 7 septembre 2023, n° 22-18.101), où les communes ont également été désavouées dans leurs revendications concernant l’utilisation du modèle H2 comme moyen de preuve pour qualifier un local d’habitation. Ce modèle est utilisé pour déclarer une nouvelle construction, notamment en tant qu’appartement.
Ainsi armées de ce formulaire H2, les communes ont cru pouvoir obtenir gain de cause afin de qualifier un local à usage d’habitation. La Cour de cassation n’a pourtant pas suivi ce raisonnement et a estimé ce moyen de preuve insuffisant.
A présent, c’est au tour des déclarations modèle R de tomber puisque la Cour a réitéré sa position selon le même raisonnement en jugeant :
« les déclarations souscrites par les redevables de la contribution foncière, établies sur des formules spéciales fournies par l’administration, comportent les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété à la date de leur souscription, de sorte qu’une déclaration remplie postérieurement au 1er janvier 1970 ne permet pas d’en établir l’usage à cette date, ni de le faire présumer (3e Civ., 7 septembre 2023, pourvoi n° 22-18.101, Bull.), sauf mention de la location du bien et du montant du loyer en vigueur au 1er janvier 1970. »
La Cour de cassation a ainsi été catégorique : la fiche modèle R ne peut pas servir à établir l’usage d’habitation des locaux au 1er janvier 1970. Seule maigre victoire pour la commune est le rappel que la mention spécifique sur le formulaire H2, indiquant l’occupation par une tierce personne avec un loyer précis au 1er janvier 1970, peut être suffisante pour prouver l’usage d’habitation du bien.
Ces décisions juridiques entraînent des répercussions considérables et il n’est pas certain qu’une partie en sorte clairement victorieuse. Les communes se retrouvent confrontées à une série de défis pour établir la qualification des locaux, tandis que les propriétaires de meublés touristiques doivent naviguer dans un paysage juridique de plus en plus complexe entre le régime des autorisations et les déclarations afférentes.
Aussi, la qualification de local d’habitation dans les meublés touristiques reste ambiguë. Plus encore, cette guerre juridique semble destinée à perdurer, chaque nouvelle décision judiciaire apportant son lot de conséquences et de défis pour toutes les parties impliquées.
Enfin, il est fort à parier que l’approche des Jeux Olympiques de Paris et la flambée des tarifs de ces hébergements touristiques contribueront à intensifier cette dynamique, tout comme le nouvel arsenal juridique prévu par la loi Le Meur, communément appelée « loi anti-Airbnb ».