La majorité des rencontres de la Coupe du monde se déroulera en journée, pendant les heures de travail.
Les aficionados l'attendent depuis quatre ans. Ce jeudi 14 juin à 17h sera donné le coup d'envoi du premier match de la Coupe du monde de football 2018 qui se tient en Russie jusqu'au 15 juillet. Problème, pour les supporters de la première heure, la majorité des rencontres se déroulera en journée, pendant les heures de travail. Si nombreux sont ceux qui peuvent être tentés de les visionner au bureau, en ont-ils le droit? Quels sont les aménagements possibles?
"Aucun article du Code du travail n'interdit expressément de regarder un match de football au travail, affirme Sophie Chatagnon, avocate associée du cabinet Cornet Vincent Segurel. Mais la loi est claire sur le fait que pendant son temps de travail, le salarié ne peut "vaquer librement à des occupations personnelles"", rappelle l'avocate en citant l'article L.3121-1 du Code du travail. Autrement dit, légalement vous n'êtes pas censé visionner un match de football au bureau. Votre employeur est donc fondé à vous sanctionner de la simple mise en demeure au licenciement pour faute grave en passant par le blâme, l'avertissement ou la mise à pied.
Voilà pour le principe. "Après, tout est une question de dosage et de contexte, tempère Sophie Chatagnon. Si vous cumulez par ailleurs plusieurs absences ou retards injustifiés, que vous travaillez en dilettante, cela peut constituer un motif valable de sanction disciplinaire. En revanche, si vous êtes irréprochable sur le plan professionnel, que cela n'a aucune incidence sur votre productivité ou le bon fonctionnement de votre service et qu'on vous surprend à regarder les résultats du dernier match, je vois mal comment votre employeur pourra justifier un quelconque recadrage. Et ce d'autant plus si vous êtes au forfait-jours, qui vous garantit une certaine souplesse dans l'aménagement de vos horaires."
Modération
L'avocate n'a d'ailleurs retrouvé qu'un seul arrêt de la Cour d'appel de Metz, datant de 2014, validant le licenciement d'un salarié sur ce type de fondements. "En l'occurrence, il s'agissait d'un vigile qui visionnait des matchs de basket sur son temps de travail. Dans ce cas, le licenciement peut se justifier car cela l'empêchait d'exercer sa mission principale." Pour certains métiers en effet (ex: agent de surveillance, ouvrier dans une usine à la chaine…), ce type d'activités peut tout bonnement constituer une faute professionnelle pour des raisons de sécurité notamment.
Dans la pratique, des aménagements sont néanmoins possibles. L'avocate suggère par exemple de demander l'autorisation à son employeur de regarder les rencontres pendant les pauses ou exceptionnellement un match l'après-midi en décalant par exemple ses horaires habituels de travail. "L'idée est que tout cela reste dans la mesure du raisonnable. Vous pouvez également poser tout simplement votre après-midi", glisse l'avocate.
Si vous êtes manager, le mieux est encore d'anticiper en demandant à votre équipe de faire preuve de modération en rappelant les bonnes pratiques ou les aménagements envisageables (ex: visionnage autorisé en salle de pause après 17h…) à travers une note de service, une réunion ou un mail. Et ce, en particulier si des téléviseurs sont en temps normal déjà mis à la disposition des salariés dans les espaces communs. L'objectif étant de donner un cadre clair dès le départ. "En revanche, si vous commencez à sanctionner une personne, il faudra veiller à faire de même avec tous ceux qui se comportent de la même manière pour garantir une égalité de traitement."
Quid des paris sportifs au bureau, qui vont certainement alimenter nombre de conservations à la machine à café? "C'est plus problématique, car cela peut être plus récurrent sur le long terme. Les jeux d'argent sont par ailleurs très règlementés." Parmi les règles à suivre, interdiction de prendre une commission sur les gains si vous êtes l'organisateur et vérifiez si le règlement intérieur de votre entreprise le permet. Il serait regrettable de vous retrouver bêtement sur la touche pour quelques euros pariés avec les collègues.
Marion Perroud le 13 Juin 2018 à 07h00.