La Clause d’interprétariat dans les marchés publics n’est pas discriminatoire
Par un arrêt du 4 décembre 2017, le Conseil d’Etat vient de rejeter le pourvoi en cassation formé par le Ministre de l’Intérieur contre l’ordonnance rendue le 7 juillet 2017 par le Juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Nantes, laquelle validait la clause d’interprétariat introduite par la Région des Pays de la Loire dans un marché public de travaux.
Au titre de cette clause d’interprétariat, il ne s’agissait pas pour le pouvoir adjudicateur d’imposer de façon systématique la maîtrise de la langue française sur les chantiers, mais uniquement de se doter des moyens lui permettant de respecter, dans l’intérêt partagé des travailleurs, les obligations mises à sa charge sur les chantiers dont il assure la maîtrise d’ouvrage tant en termes de respect des règles de sécurité des travailleurs, que de respect de l’ordre public social.
Une telle clause ne peut donc être totalement assimilée aux « clauses Molière » introduites par certaines collectivités territoriales dans leurs marchés publics, et qui imposent de façon plus ou moins systématique l’usage de la langue française sur les chantiers de construction.
Le souhait du pouvoir adjudicateur était ainsi d’exiger que les personnels présents sur ses chantiers, quelle que soit leur nationalité, disposent d’une compréhension minimum de l’écrit et/ou de l’oral pour :
- comprendre la réglementation sociale et l’ordre public social applicables à l’ensemble des travailleurs,
- comprendre et échanger sur les directives orales et/ou écrites nécessaires à l’exécution de taches précisément identifiées comme présentant un risque pour la sécurité des personnes et des biens.
Il s’agit donc d’une clause destinée à assurer une information efficiente aux travailleurs sur leurs droit sociaux et de prévenir les risques liés à l’exécution des taches identifiées comme sensibles.
La maîtrise de la langue française et le recours à un interprète ne sont imposés par cette clause que de manière limitée et de façon proportionnée aux objectifs poursuivis.
Ne suivant pas les conclusions de son Rapporteur public, Monsieur Gilles PELISSIER, le Conseil d’Etat a validé ce raisonnement, en estimant en premier lieu qu’une telle clause présentait un lien suffisant avec l’objet du marché, et respectait ainsi les dispositions de l’article 38 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
La Haute Juridiction a ensuite considéré que cette clause, dans ses deux volets (protection de la sécurité des travailleurs, et garantie des droits sociaux), n’était pas discriminatoire et ne constituait pas une entrave à la libre circulation des travailleurs et des services, libertés consacrées par le droit communautaire.
Le Conseil d’Etat a toutefois souligné qu’une telle clause devait être appliquée de manière raisonnable par le maître d’ouvrage pour ne pas occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché.
Le Cabinet Cornet Vincent Ségurel (sous la responsabilité de Frédéric MARCHAND, associé, et Clément GOURDAIN, avocat), conseillait la Région des Pays de la Loire.