Rappel des faits et de la procédure
Dans le cadre d’un protocole de cession portant sur le contrôle d’une société anonyme (SA), l’actionnaire majoritaire et président du conseil d’administration de cette SA et la société cessionnaire avaient convenu d’une clause de réduction de prix, en cas notamment de baisse du chiffre d'affaires au cours des deux exercices suivant la cession, le jeu de cette clause étant subordonné au maintien du cédant à son poste d'administrateur, le protocole ayant précisé que ladite clause deviendrait caduque si le cédant venait à perdre son poste d’administrateur de manière involontaire.
On comprend l’intention du cédant qui était de pouvoir conserver un droit de regard sur la gestion de la société, susceptible d’impacter le prix de cession.
Or, peu après la cession, les associés de cette SA ont décidé sa transformation en société par actions simplifiée (SAS), sans avoir instauré de conseil d’administration statutaire.
Et, au cours des exercices suivants la cession, la société a constaté une baisse de son chiffre d’affaires.
Dans le cadre d’une procédure initiée par le cédant à l’encontre de la société et du cessionnaire, ceux-ci ont fait valoir, à titre reconventionnel, qu’ils étaient bien fondés à obtenir une diminution du prix, compte tenu de la baisse du chiffre d’affaires constatée.
Le cédant leur opposait pour sa part la caducité de la clause de réduction de prix, compte tenu de la perte de sa qualité d’administrateur, et ce, conformément aux stipulations du protocole.
Suite à une première décision rendue en première instance sur ce litige, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée, le 24 juin 2014, en faveur de l’application de la clause de réduction de prix au motif que, bien que les statuts de la société transformée ne faisaient pas référence à un conseil d’administration, les documents versés au débat attestaient qu’un conseil d’administration, dont le cédant était membre, avait continué à se réunir dans la société transformée (publicité légale et extrait k-bis de la SAS indiquant la qualité d’administrateur du cédant, plusieurs procès-verbaux de réunion du conseil, avis de convocation aux assemblées générales et rapports de gestion du conseil d’administration).
Selon le premier arrêt de la Cour d’appel, le cédant avait, dans ces conditions, conservé son poste d’administrateur et la clause de réduction de prix lui était opposable.
La Cour de cassation, statuant le 25 janvier 2017, en sa chambre commerciale (pourvoi n°14-28.792), par un arrêt de principe, a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles L227-1 et L227-5 du code de commerce, considérant que « seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée », peu important qu’un conseil d’administration ait continué à se réunir dans les faits.
La Cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi, dans un arrêt du 25 janvier 2018, confirme cette analyse, confirmée à son tour par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 novembre 2019 en faisant une application stricte de l’article L227-5 du code de commerce, selon lequel « Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée ».
Cette position appelle deux séries d’observations tenant (I) à la discontinuité des organes sociaux de la SA en cas de transformation en SAS, (II) au monopole des statuts dans la fixation des conditions dans lesquelles la SAS est dirigée.