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Alors qu’aucune législation ne l’encadre, la fiche de renseignements est un instrument couramment utilisé dans le milieu bancaire. Elle permet à la banque de se renseigner sur les revenus, les charges annuelles et le patrimoine de ses clients afin d’évaluer leur situation financière, notamment dans la perspective de la conclusion d’un cautionnement pour apprécier son caractère proportionné. Du fait de sa valeur probatoire, ce document est à l’origine d’un contentieux important.
Dans un arrêt rendu le 13 mars 2024, la Chambre commerciale économique et financière de la Cour de cassation s’est prononcée sur la prise en compte d’une fiche de renseignements remplie postérieurement à la conclusion du cautionnement pour apprécier la disproportion de ce dernier.
En juillet 2008, une banque a consenti à une société un crédit de trésorerie à durée indéterminée, par débit du compte courant, d’un montant de 80 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire d’une personne physique dans la limite d’une somme de 40 000 euros.
Par la suite, la société a été mise en liquidation judiciaire, la banque a alors assigné la caution en paiement. Cette dernière lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus en vertu de l’ancien article L.343-4 du Code de la consommation.
Par arrêt du 8 mars 2022, la Cour d’appel de Rennes a rejeté la demande de la banque en refusant de prendre en compte la fiche de renseignements communiquée par la caution au motif qu’elle avait été remplie après la conclusion du cautionnement.
La banque a formé un pourvoi en cassation en soutenant que si la « fiche de renseignements doit être établie à une époque contemporaine de la conclusion du contrat de cautionnement, elle n’a pas à lui être nécessairement antérieure ni concomitante, et peut ainsi lui être postérieure, sauf à ce que la caution démontre que sa situation a évolué entre la conclusion du contrat de cautionnement et l’établissement de la fiche d’informations ».
La Cour de cassation rappelle tout d’abord le principe de proportionnalité du cautionnement, posé par l’article L. 341-4 du Code de la consommation, applicable au litige, qui disposait qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », avant de confirmer l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes.
Elle indique que le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution avant l’engagement de cette dernière. La Haute juridiction proscrit donc la prise en compte d’une fiche de renseignements signée postérieurement à la souscription du cautionnement afin d’apprécier son caractère disproportionné.
Publié au bulletin, cet arrêt dont l’intérêt est certain, nous éclaire sur le moment opportun de la rédaction de la fiche de renseignements.
La solution de la Cour de cassation, inédite, répond pour la première fois à cette question et est conforme au droit positif.
Les faits remontant à juillet 2008, la Haute juridiction vise l’ancien article L. 341-4 du Code de la consommation. Or, cet article a été abrogé par l’article 34 de l’ordonnance du 14 mars 2016 avant de devenir l’article L. 332-1 du même Code, à son tour abrogé par l’article 32 de l’ordonnance du 15 septembre 2021.
Toutefois, la réponse de la Cour de cassation demeure conforme au droit positif, les dispositions susmentionnées étant transposées au nouvel article 2300 du Code civil qui dispose que : « si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. »
Dès lors, la solution de l’arrêt du 13 mars 2024 apparaît applicable aux cautionnements conclus après le 1er janvier 2022.
La Cour de cassation pousse le banquier à contrôler en amont la situation patrimoniale de la caution afin d’éviter toute disproportion entre son engagement et son patrimoine.
En effet, avec une vérification postérieure à l’engagement de la caution, comment l’établissement bancaire pourrait-il justifier qu’au jour du cautionnement, ce dernier n’était pas disproportionné ?
Dès lors, il faut déduire de cet arrêt que le banquier doit :
En l’espèce, la caution avait remis la fiche de renseignements plus d’un mois après la souscription de son engagement, la banque ne pouvait donc plus se prévaloir de ses déclarations.
Le plus prudent reste une signature de la fiche le même jour que l’engagement de la caution, la disproportion entre le patrimoine de la caution et son engagement, s’appréciant au jour de la conclusion du contrat.
Rappelons toutefois, comme l’a fait la Cour de cassation, , qu’il « incombe à la caution de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus ». La banque est en droit de se fier aux fiches de renseignements remplies par la caution, les anciens textes du Code de la consommation «n’imposant pas au créancier, sauf anomalies apparentes, de vérifier les déclarations fournies par la caution ».