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L’article 9 du code de procédure civile prévoit qu’il « incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. ».
Aussi, la jurisprudence distingue en droit civil la preuve illicite (illégale ou irrégulière) de la preuve déloyale (obtenue par l’utilisation d’un stratagème ou de façon clandestine).
Une preuve est dite illicite lorsqu’elle a été obtenue en violation de moyens légaux.
Toutefois, la jurisprudence admet depuis plusieurs années la recevabilité d’une preuve illicite, notamment en matière prud’homale, lorsqu’elle est indispensable à l’exercice du droit la preuve, proportionnée au but recherché, et qu’il n’est pas possible d’atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens de preuve.
En revanche, une preuve déloyale était jusqu’il y a peu irrecevable.
La Cour de cassation a toutefois opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 22 décembre 2023 (Cass. Ass plén. 22 décembre 2023 20-20.648)
En l’espèce, un employeur avait enregistré un salarié à son insu lors d’un entretien informel. L’employeur avait ensuite licencié ce salarié pour faute grave en se fondant sur les propos tenus lors de l’entretien. L’employeur n’avait à sa disposition aucune autre preuve de la faute du salarié. Ces propos avaient été obtenus de manière déloyale.
Le Conseil de prud’hommes de Montargis, tout comme la Cour d’appel d’Orléans, avaient considéré que les enregistrements avaient été obtenus de façon clandestine et étaient donc irrecevables.
La faute n’étant pas prouvée par l’employeur en l’absence de ces enregistrements, le licenciement devrait être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Le mode d’obtention et le contenu d’un élément de preuve ne sauraient en effet porter atteinte à la vie privée du salarié.
La Cour de cassation, saisie par un pourvoi de l’employeur, a cassé la décision de la Cour d’appel en estimant que désormais, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.
Par ce revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a souhaité s’aligner sur la position de la Cour européenne des droits de l’homme en estimant que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En revanche, lorsque les propos tenus lors d’un entretien enregistré à l’insu d’un salarié ne sont pas indispensables dans l’exercice de la preuve, alors cet enregistrement doit être écarté.
C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 17 janvier 2024 pour écarter les propos tenus par un salarié avec des membres du CHSCT concernant un prétendu harcèlement moral de l’employeur.
Le salarié ayant d’autres éléments de preuve que cet enregistrement, celui n’étant pas indispensable devait être écarté des débats.
Aussi, il faut retenir qu’il n’est pas nécessaire de multiplier cette pratique des enregistrements clandestins qui seront écartés des débats s’ils sont excessifs au regard de l’objectif probatoire ou s’il existait d’autres éléments permettant de démontrer ses prétentions.