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Intégral ou plafonné, ce cumul répond à des conditions bien particulières dont on rappellera utilement les grandes lignes, avant d’analyser l’arrêt du Conseil d’État du 13 novembre 2024 (CE, 13 nov. 2024, n° 488172) qui vient clarifier le régime du cumul intégral.
Ainsi que sa dénomination permet de le supposer, le cumul intégral autorise le fonctionnaire à cumuler intégralement sa retraite avec les revenus tirés d’une nouvelle activité.
Le cumul sera intégral si le fonctionnaire bénéfice d’une pension de retraite de base à taux plein ou s’il exerce certaines activités. L’âge de la retraite à taux plein intervient lorsque l’agent justifie du nombre de trimestres exigé selon son année de naissance.
A défaut de remplir cette condition de durée de cotisation, le taux plein est de droit, usuellement, à 67 ans. Et ce, alors même que l’assuré ne justifierait pas de la durée d’assurance requise. La reprise d’une activité dans ce cadre oblige au préalable à liquider toutes les pensions de retraite – de base et complémentaires – dont relève le fonctionnaire. Le respect de cette obligation est de première importance. Le Conseil d’État le rappelle dans l’arrêt analysé du 13 novembre 2024.
Ce cumul sera également intégral, quand bien même le fonctionnaire ne pourrait se prévaloir d’une retraite à taux plein, s’il poursuit ou reprend un certain nombre d’activités précisément définies par les textes.
Cette dérogation, précise l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, intéresse les activités artistiques, de création ; mais aussi toute activité occasionnelle concourant au fonctionnement de la justice, la participation à des instances consultatives ou délibératives, les activités de professionnel de santé ainsi que les activités privées de sécurité.
Enfin, le cumul intégral est également possible pour le fonctionnaire admis à la retraite pour invalidité.
Avantage supplémentaire procédant de ce droit à un cumul intégral : l’activité professionnelle nouvellement exercée permettra à l’intéressé de se constituer de nouveaux droits à la retraite auprès de la caisse de retraite de base dont relève cette activité. Point d’attention : l’ancien fonctionnaire ne peut reprendre, dans ce cadre, une nouvelle activité de fonctionnaire titulaire d’une durée hebdomadaire supérieure à 28 heures.
Si la situation d’un fonctionnaire ne lui ouvre pas le droit à un cumul intégral, le revenu retiré de l’activité professionnelle de cumul ne devra pas dépasser 7 950,07 euros (barème 2024), à majorer du tiers du montant annuel brut de la pension de retraite de base. Si ses revenus bruts d’activité sont supérieurs à ce plafond, seul l’excédent sera déduit de la pension du fonctionnaire civil. Si cet excédent est supérieur au montant de sa pension, son paiement sera alors suspendu en totalité.
La définition de ce qui relève de ce revenu d’activité est fixée par l’article R.92 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Un diplomate, ancien ministre plénipotentiaire, a cessé ses fonctions en 2013. Puis il a créé une société de conseil et a liquidé sa pension civile de retraite le 1er décembre 2016. Lors d’un contrôle de ses déclarations fiscales, le service des retraites de l’État a constaté qu’il percevait des revenus d’activité substantiels. Le contrôle mené a révélé que l’intéressé n’avait liquidé ses pensions du régime général et du régime complémentaire AGIRC-ARRCO qu’à compter du 1er décembre 2020, après avoir cotisé pendant 14 trimestres.
En conséquence, le versement de sa pension a été suspendu en 2021 : en totalité pour les années 2017 et 2018, et partiellement pour la période courant du 1er janvier 2019 au 30 novembre 2020.
Pour quel motif ? En l’absence de liquidation complète de ses pensions, cet ancien diplomate ne pouvait pas bénéficier d’un cumul intégral. Par conséquent, le cumul de ses revenus d’activité était autorisé uniquement dans la limite d’un plafond, largement dépassé dans son cas.
Devant le juge administratif, le requérant soutenait en premier lieu remplir les conditions requises, en justifiant du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le taux plein dans le régime général. Il pouvait, par conséquent, bénéficier des mesures de libéralisation du cumul emploi-retraite à partir de l’âge légal de départ, soit 60 ans et 9 mois dans son cas.
En outre, estimait-il, il n’était pas tenu de liquider sa pension de ce régime pour pouvoir profiter de ces dispositions… en tant qu’il relevait à nouveau de ce même régime dans le cadre de sa nouvelle activité professionnelle.
Le Tribunal administratif a rejeté cet argumentaire. Le Conseil d’État confirme son analyse : lorsqu’un fonctionnaire a cotisé au régime général au cours de sa carrière, il doit obligatoirement liquider sa pension du régime général, et ce, quand bien même sa nouvelle activité relèverait également de ce même régime.
Le requérant se prévalait ensuite, à titre subsidiaire, d’une dérogation bien particulière : dans certains régimes – notamment complémentaires ou étrangers – les pensions de retraite ne peuvent être liquidées sans décote avant un âge plus élevé que l’âge légal de la retraite, quel que soit le nombre de trimestres cotisés.
Or, le cumul oblige au préalable, nous l’avons vu, le fonctionnaire à liquider toutes les pensions de retraite de base et complémentaires dont il relève. Partant, les assurés concernés par ce régime de retraite « dérogatoire » devaient attendre l’âge retenu par ce régime avant de pouvoir prétendre à un cumul intégral emploi retraite.
Afin de remédier à cette situation, le législateur a inséré un nouvel avant-dernier alinéa à l’article L. 84. En application de celui-ci, « la pension due par un régime de retraite légalement obligatoire dont l’âge d’ouverture des droits, le cas échéant sans minoration, est supérieur à l’âge [de droit commun] n’est pas retenue pour apprécier la condition de liquidation de l’ensemble des pensions de retraite, et ce jusqu’à ce que l’assuré ait atteint l’âge à partir duquel il peut liquider cette pension ou, en cas de minoration, l’âge auquel celles-ci prennent fin. »
Le requérant sollicitait l’application de ce dispositif au motif qu’il n’aurait pas pu liquider sa pension, sans minoration, au titre du régime général à la date de la liquidation de sa pension civile de retraite le 1er décembre 2016. Fort logiquement, le Conseil d’État écarte, là encore, un tel moyen. En effet, le régime général ne relevant pas de l’exception de ce nouvel alinéa, ce moyen est inopérant.
On ne rappellera jamais assez qu’il est indispensable, pour bénéficier d’un cumul emploi-retraite intégral régulier, de liquider, au préalable, l’ensemble de ses pensions de vieillesse.
Cette règle immuable s’applique quand bien même l’intéressé relèverait, pour sa nouvelle activité, du même régime que l’un de ceux auquel il était affilié au titre de ses anciennes activités.
Quant à la « dérogation dans la dérogation », comme la qualifie le Rapporteur public, posée à l’avant dernier alinéa de l’article L. 84, elle n’est pas mobilisable au titre du régime général. Elle ne concerne que des régimes bien particuliers. La lettre de cet article est, en ce sens, assez claire. Le Conseil d’État le rappelle dans l’arrêt commenté. Faute de liquidation préalable, le cumul intégral sera requalifié en un cumul plafonné. Le fonctionnaire s’exposera alors à l’émission de titres de perception portant récupération de trop perçus en considération de la situation de cumul irrégulière.