Rolex subject to sanctions by the French Competition Authority

Published on 17 january 2024

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Competition – Sales and Distribution – Commercial Contracts

Par une décision n°23-D-13 en date du 19 décembre 2023 (la « Décision »), l’Autorité de la concurrence (l’« Autorité ») sanctionne la société Rolex France SAS, en tant qu’auteure, solidairement avec la société Rolex Holding SA et la fondation Hans Wilsdorf, en tant qu’entités mères, à hauteur de 91.600.000 euros pour avoir interdit à ses distributeurs agréés de vendre en ligne ses montres de luxe.

Cette Décision fait suite aux saisines, en janvier 2017, de l’organisation professionnelle Union de la Bijouterie Horlogerie et de la société Pellegrin & Fils.

Ces saisines s’inscrivent dans un contexte contentieux entre Rolex France et ses distributeurs depuis le souhait de la tête de réseau de restructurer son réseau de distribution en France, ce qui passe par une diminution du nombre de points de vente indépendants : le nombre de revendeurs agréés a ainsi significativement diminué entre 2010 et 2021, passant de 114 à 66. Partant, Rolex France a résilié plusieurs contrats de distribution dont celui conclu avec l’une des saisissantes, la société Pellegrin & Fils, en 2013. Cette dernière a alors assigné Rolex France en 2015 pour entente anticoncurrentielle et rupture brutale des relations commerciales établies. Le Tribunal de commerce de Paris ayant débouté la société Pellegrin & Fils de ses demandes, le distributeur évincé a interjeté appel. La Cour d’appel de Paris a sursis à statuer, dans l’attente de la Décision de l’Autorité (CA Paris, 30 août 2019, nº 15/17059).

Interdiction absolue

L’Autorité faisait grief à Rolex France d’avoir pris part à une entente généralisée avec ses distributeurs visant à interdire la vente par Internet et fixer le prix de vente au détail des montres de marque Rolex, en violation des articles 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et L.420-1 du code de commerce.

Pour rappel, l’interdiction absolue faite aux distributeurs agréés de vendre sur Internet constitue une restriction de concurrence par objet, incompatible avec l’article 101§1 du TFUE, depuis l’arrêt Pierre Fabre rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 13 octobre 2011 (Aff. C-439/09). L’Autorité a fait une première application de l’arrêt Pierre Fabre dans sa décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen. Cette interdiction est consacrée à l’article 4, e) du Règlement européen n° 2022/720, en vigueur depuis le 1er juin 2022.

S’agissant de l’imposition de prix de vente, il ressort du libellé des articles 101§1 TFUE L. 420-1 du code de commerce et de la jurisprudence que cette pratique est anticoncurrentielle par nature.

Entente verticale

Dans l’affaire Rolex France, l’entente verticale visant à interdire la vente en ligne des montres Rolex par ses distributeurs agréés se caractérisait, d’après l’Autorité, par les éléments suivants :
– certaines clauses du contrat de distribution sélective en vigueur depuis 1999 interdisaient notamment « toute vente hors de l’établissement de vente ou par correspondance » ;
– un courrier de Rolex France adressé en 2006 à une bijouterie indiquant « qu’en aucune manière nos Distributeurs Agréés qui sont les seuls autorisés à vendre nos produits, ne peuvent le faire par Internet, pas plus que par correspondance. Toute vente sur Internet vient en contravention avec les dispositions de l’article IV.3.b du Contrat de Distribution Sélective souscrit par l’ensemble de nos Distributeurs agréés » ;
– un document interne du 3 juillet 2017 ainsi qu’un courriel du 9 janvier 2018 faisant état de l’intervention de Rolex France pour rappeler aux distributeurs agrées l’interdiction de vendre en ligne ; et
– les déclarations des saisissantes et des distributeurs agréés.

L’Autorité a considéré que l’interdiction pour les distributeurs agrées de vendre sur Internet a été continue pendant une dizaine d’années, « à tout le moins à compter du 13 octobre 2011, jusqu’à l’envoi de la notification de griefs complémentaire le 23 mars 2022 ». Pourtant, à la lumière des éléments listés ci-dessus, la pratique anticoncurrentielle alléguée semble avoir débuté a minima en 2006. Il semble que l’Autorité ait voulu faire coïncider la date de début de la pratique avec la date à laquelle l’arrêt Fabre de la CJUE a été rendu. L’Autorité aurait toutefois pu étendre la durée des pratiques avant la date de l’arrêt Pierre Fabre de 2011. En effet, comme le rappelle l’Autorité, la Cour d’appel de Paris a déjà jugé que si le droit et la jurisprudence applicables aux restrictions de vente en ligne dans le cadre de réseaux de distribution sélective n’étaient pas clairement fixés avant l’arrêt Pierre Fabre, il ne peut en être déduit qu’aucune infraction ne pourrait être opposée aux entreprises sanctionnées par l’Autorité antérieurement à cet arrêt (CA Paris, 13 mars 2014, n°2013/00714 et 17 octobre 2019, n°18/24456). L’incertitude en la matière doit seulement conduire à relativiser la gravité de la pratique pour la période antérieure à l’arrêt Pierre Fabre.

En l’espèce, Rolex France soutenait que l’interdiction de la vente en ligne de ses produits avait plusieurs objectifs. D’abord, l’absence de vente en ligne lui était nécessaire pour préserver son modèle économique à forte valeur ajoutée, fondé sur l’image de marque et l’expérience client. En outre, seul l’achat dans la boutique de l’un de ses distributeurs agréés lui permettait de lutter efficacement contre la contrefaçon et les réseaux parallèles. Enfin, selon Rolex France, l’interdiction de vendre en ligne permettait d’éviter des problèmes en termes d’image et de sécurité lors de l’envoi à distance.

Ces justifications n’ont pas convaincu l’Autorité. Cette dernière a considéré que les objectifs invoqués pouvaient être atteints par des moyens moins restrictifs de concurrence.

En effet, l’Autorité relève que l’ensemble des concurrents de Rolex France autorisent la vente en ligne tout en assortissant cette autorisation de conditions et de garanties visant à préserver l’image de luxe des produits dont le niveau d’exigence apparaît similaire à celui que Rolex France exige de ses distributeurs. S’agissant de la lutte contre la contrefaçon et les réseaux parallèles, l’Autorité considère que des outils adaptés pour assurer la traçabilité des produits vendus en ligne existent, tels que la blockchain, utilisée par plusieurs concurrents de Rolex France. Enfin, concernant les problèmes liés à la sécurité des envois, l’Autorité estime que Rolex France pourrait avoir recours à des transporteurs garantissant la sécurité des envois ou proposer le retrait en boutique des produits achetés en ligne, à l’instar de ses concurrents.

S’agissant du second grief fait à Rolex France d’avoir fixé le prix de vente au détail des montres de la marque Rolex, l’Autorité a en revanche estimé « que les éléments du dossier ne permettaient pas de démontrer que Rolex France SAS avait invité ses distributeurs à restreindre leur liberté tarifaire, ni que les distributeurs auraient, le cas échéant, acquiescé à cette invitation ».

Cette Décision, qui s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence en la matière, intervient quelques jours après la décision n°23-D-12 du 11 décembre 2023 par laquelle l’Autorité a sanctionné le producteur de thés haut de gamme Mariage Frères à hauteur de 4 millions d’euros pour avoir pour avoir notamment interdit la vente en ligne de ses produits.

Au regard du montant significatif de l’amende prononcée par l’Autorité à l’égard de Rolex France, cette dernière risque probablement d’interjeter appel de la Décision, ce qui ne l’exemptera pas du paiement de l’amende, le recours n’étant pas suspensif (article L. 464-8 du code commerce).

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