Les dispositions prévues au titre Ier de l'ordonnance n° 2020-306 – développées supra – trouvent à s'appliquer devant les juridictions de l'ordre administratif, sauf dérogations en matière de droit des étrangers et de droit électoral.
Sur ce dernier point, le II 3° de cet article 15 prévoit que le délai de recours contentieux contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales est prorogé. Ainsi, alors que celui-ci s’éteignait initialement, conformément aux dispositions de l’article R 119 du code électoral, à dix-huit heures le cinquième suivant l’élection, force est de constater que ce délai est aujourd’hui considérablement allongé :
« 3° Les réclamations et les recours mentionnées à l'article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour, fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 dans les conditions définies au premier alinéa du III de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée ou, par dérogation, aux dates prévues au deuxième ou troisième alinéa du même III du même article ».
Rappelons que l’article 19 III de la loi n°2020-290 prévoit que :
« III. - Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité de scientifiques. La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction ».
Autrement dit, le délai de recours de saisine du juge électoral contre les résultats du premier tour est reporté sine die, soit cinq jours après l’entrée en fonction des conseillers élus, date qui sera connue « au plus tard au mois de juin 2020 ».
Certes, on pourrait s’étonner de l’incertitude contentieuse et juridique que constituent de telles modalités de report ; pour autant, il n’est pas illogique de considérer que les conditions de saisine du juge électoral ont pu être altérées du fait des bouleversements constants qui ont eu lieu à compter du 9 mars 2020, date du premier arrêté d’interdiction des rassemblements. Peut-être que l’interrogation réellement pertinente est celle qui renvoie au maintien des opérations électorales du 15 mars 2020.
Au final, toutes ces mesures, nombreuses et complexes en apparence, s’articulent en définitive autour de deux axes :
- Neutraliser, sauf exceptions ou adaptations, la période covid-19 en la majorant d’un mois pour les délais ;
- Faciliter l’activité des juridictions par certains moyens d’action – on pense à la communication audiovisuelle notamment – qu’il pourrait être intéressant de maintenir dans certains cas à l’issue de la période actuelle d’urgence sanitaire.
Par David Pilorge, avocat directeur, et Clément Launay, avocat.