Non-responsabilité du transporteur en cas de vol de marchandises dans un lieu en apparence inviolable

Publié le 16 février 2024

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Contentieux - Arbitrage - Médiation

Une décision de la chambre commerciale de la cour de cassation du 17 janvier 2024, n° 22-15.551 est l’occasion de revenir sur la manière dont les juges apprécient la possibilité pour le transporteur de s’exonérer de sa responsabilité en cas de vol de la marchandise transportée.

En transport intérieur comme en transport international, le transporteur est responsable en cas de perte survenue entre la prise en charge de la marchandise et sa livraison. 

En transport international, la convention dite CMR prévoit que le transporteur est déchargé de sa responsabilité si la perte résulte : 

-  d’une faute de l’ayant droit, 
-  d’un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur, 
-  d’un vice propre de la marchandise, 
-  ou de circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier.

Assigné par son donneur d’ordre et ses assureurs, le transporteur s’est ici prévalu de cette quatrième cause d’exonération. Il a en effet démontré que le vol, à l’aéroport, de sa remorque chargée de palettes de whisky, en attente de départ pour la France, s’était produit dans un espace de stationnement en apparence inviolable, raison pour laquelle il l’avait loué. 

Ce lieu était doté de dispositifs de sécurité visibles : portails, clôture, postes de garde, agents de sécurité, système de laissez-passer, caméras de surveillance. Des voleurs ont malgré tout réussi à s’introduire par effraction et à dérober la marchandise.

Selon une jurisprudence établie, le vol n’est généralement pas constitutif de circonstances exceptionnelles, à moins qu’il ne soit prouvé que le chauffeur a été contraint d’abandonner son véhicule et qu’il lui était impossible de le surveiller d’une manière ou d’une autre (Cass. com., 2 mai 2001, no 98-17.339 ; CA Paris, 9 janv. 2003, no 2000/10081).

En l’espèce, pour exonérer le transporteur, la Cour d’Appel a considéré que celui-ci ne pouvait se rendre compte du manque d’efficacité des mesures de sécurité et de leurs failles, et que le caractère audacieux du vol l’empêchait de s’y préparer et d’y remédier (CA Douai, 27 janv. 2022, no 19/03907). 

Ont été considérés comme indifférents l’absence de violence, l’insuffisance des mesures de sécurité, le manque d’éclairage ou de surveillance spécifique dans la zone louée, les vastes dimensions de l’aérodrome, et la présence d’une publicité pour boisson alcoolisée sur la remorque.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, estimant que rien n’indiquait « que le transporteur aurait dû (ou pu) se rendre compte, avant le vol, des failles de sécurité qu'il a révélées, ni par quel moyen il aurait pu y obvier ». 

La même solution avait été retenue, toujours en application de la C.M.R., s’agissant d’un vol survenu sur le site privé du commissionnaire en douane, alors que le transporteur, n’étant pas autorisé à demeurer sur les lieux, avait pris des mesures de protection, à savoir le stationnement des deux remorques porte contre porte dans un enclos rigide et fermé, entouré d’un portail verrouillé, et surveillé par des rondes et des caméras de surveillance (CA Lyon, 22 mars 2018, no 17/04399).

Cette décision confirme la nécessité pour les transporteurs de multiplier les gages de sécurité sur les zones de stockage et de transit des marchandises, ainsi que de documenter les précautions prises pour garantir la sécurité de celles-ci.

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